Ombeline Philizot est jolie. Et elle a l’air sage. Avec ses longs cheveux noirs, sa peau si claire et sa robe blanche en coton léger, on la croirait sortie de La petite maison dans la prairie ou d’un autre feuilleton champêtre dont l’héroïne serait gentille, douce et un peu naïve.
Ombeline Philizot à Souzdal
Mais il suffit de parler quelques minutes avec elle pour comprendre que si l’auteure des « Carnets Moscovites » est un ange, c’est assurément « l’ange du bizarre ». Son imaginaire si riche, si fou, et si débridé laisse le lecteur charmé, mais aussi pantois.
Car tout comme leur auteure, les Carnets Moscovites publiés chez Magellan & Cie dans la collection « Je est ailleurs » cachent bien leur jeu. Le titre est sobre, le concept rassurant : il s’agit d’un recueil de lettres rédigées par l’auteure alors qu’elle était lectrice de français à l’Université Lomonossov (MGU) et par lesquelles elle informait ses amis des temps forts et de sa vie dans la capitale russe. Mais le ton n’est pas celui qu’on attendrait.
Au VDNKh
« Ma personnalité : un terrible mariage entre un spectre préraphaélite et Mary Poppins », déclare l'écrivaine
Tous ceux qui ont vécu à Moscou retrouveront dans ses lettres des figures et des moments incontournables de la vie quotidienne : le métro et ses culs de jatte, la télé et ses monstres, la gretchnevaïa kacha et les logeuses émotives… Ancienne élève de Normale Sup à Lyon, de l’EHESS et de l’INALCO Ombeline Philizot qui se déclare atteinte d’une « slavite en phase terminale » a conscience que certaines de ses descriptions burlesques et sans filtre peuvent surprendre. Mais elle est sûre qu'elles rendent hommage à ce qu’elle apprécie tellement en Russie : une certaine liberté au service d'une fantaisie illimitée.
A Yaroslavl
Les Carnets Moscovites parlent de Moscou mais ils retranscrivent aussi la façon très particulière de percevoir le monde de cette jeune femme aux origines multiples, très attachée à son île natale de la Réunion, balottée de Lille à Châteauroux durant ses années d'école et qui se dit "descendante de chasseurs de loups du Morvan ". En parallèle de ses travaux d’écriture, elle fait aussi sur ordinateur des œuvres graphiques étonnantes, colorées et exaltées, qu’elle imprime et enlumine comme des parchemins médiévaux. Certaines de ses productions ont retenu l’attention d'un expert de l’Art brut, le Dr Turhan Demirel, et elle aurait dû participer à l'exposition de sa collection, initinalement prévue en 2020 à Wittstock en Allemagne, si, comme elle l'écrit, « la peste pangoline n'avait pas déferlé telle une horde vampirique sur notre pauvre monde ».
"La croisade du porc"
« En regardant une autre partie de mon travail, réalisée dans le cadre scolaire, vous constaterez sans surprise que je suis littéralement perchée. Néanmoins, mes élèves ne semblent pas s’en plaindre » déclare avec une sorte de fatalité joyeuse et un peu fière celle qui est aujourd’hui professeure au lycée Honoré de Balzac de Mitry-Mory.
En lévitation à La Villette
Interrogée sur ses projets et ses rêves, elle en révèle un qui semble lui tenir à cœur. « Je suis actuellement enseignante d'histoire-géographie en langue allemande dans le cadre d'une option européenne. Je rêve de lancer une option européenne russophone. Des élèves sont déjà prêts à me suivre ! ». Les fantaisies russophiles d’Ombeline Philizot n’ont décidément pas de limites.
Carnets Moscovites, Ombeline Philizot, MAGELLAN & Cie, 320 pages, 15 €
![]() Ombeline Philizot
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