Tsar Magazine

Ce que j'aime à Moscou le VDNKh (par Léo Vidal-Giraud)

Les Français qui vivent en Russie ont souvent une histoire d'amour secrete avec un ou plusieurs lieu ou monument de la capitale russe. Léo Vidal-Giraud*, journaliste installé en Russie depuis 12 ans, nous plonge avec brio et tendresse dans une rêverie soviétique à la gloire du VDNKh.

"Le problème avec les guides de voyages à Moscou, Le Routard et autres, c’est qu’ils sont vite obsolètes. Tout change, dans la capitale russe, souvent et de façon radicale, à tel point que la ville n’a, aujourd’hui, plus grand-chose à voir avec celle dans laquelle j’ai débarqué en août 2008… et que celle-ci, sans doute, ne ressemblait pas à celle de 2000. Pour être honnête, c’est la plupart du temps pour le mieux. 

Dans la Moscou que j’ai découverte, les derniers feux du far-west des années 1990 s’éteignaient. Le centre-ville accueillait ses premières rues piétonnes, les espaces verts reprenaient vie, les règlements de comptes entre mafieux étaient déjà de l’histoire ancienne, les vendeurs à la sauvette commençaient à refluer vers l’extérieur de la ville. Mais il restait le VDNKh.


Pour ceux qui se posent la question, cela se prononce en toutes lettres : Vé-Dé-Èn-Ha, avec un « H » aspiré comme une légère jota espagnole. Ce sont des initiales, celles de « Vystavka Dostijeniy Narodnovo Khoziaïstva » : « Exposition des Accomplissements de l’Economie Populaire ». Et si vous ne l’aviez pas deviné au vu de la traduction, c’est d’origine soviétique. 

Le VDNKh, c’est un parc. Il date des années 1950, construit par Khrouchtchev à l’emplacement d’une exposition agricole, et célébrait tous les aspects de la vie soviétique : ses républiques, ses ethnies, son industrie, les différents secteurs de l’économie… tout cela au moyen de pavillons thématiques construits en dur. Résultat, le VDNKh n’est pas un parc de verdure, c’est un parc de béton, un « ensemble architectural » comme disent les Russes, où l’on admire des pavillons de toutes les tailles et tous les styles. Ceux des anciennes républiques soviétiques reprennent des éléments d’architecture traditionnelle, celui de l’Ouzbékistan évoque les mosquées de Samarcande, celui de Carélie est en bois de sapin, celui de l’Ukraine est décoré de gerbes de blé.

En 2008, donc, le VDNKh était franchement défraîchi. L’arche monumentale, à l’entrée, voyait sa peinture s’écailler et ses mosaïques tomber en ruines. La plupart des pavillons était fermée et dans les autres, des boutiques de bric et de broc vendaient des téléphones portables tombés du camion et dieu sait quelles autres contrefaçons foireuses ; et les deux fontaines hallucinantes, kitchissimes, qui ponctuent son allée centrale, étaient hors-service un jour sur deux. 

Des deux côtés de l’allée, les hampes de drapeau que l’on imaginait garnies autrefois de rouge, étaient dépouillées. Il se dégageait de tout cela un vrai charme, une forme de mélancolie, comme le souvenir en train de passer d’une ancienne grande puissance désormais décrépite. En russe, on appelle ce genre d’endroit du « sovok ». Les Allemands diraient « ostalgique ». 

Moi, par opposition au « Parc de la Victoire », dans un autre quartier de Moscou, qui commémore la seconde guerre mondiale, je le surnommais « Parc de la Défaite ». Et j’adorais y aller, admirer les ruines de l’URSS comme on aurait visité les ruines de Pompéi, même si à l’époque il fallait pratiquement deux heures de bus et de métro pour y arriver depuis ma cité universitaire… d’autant plus qu’en hiver, on y faisait du patin à glace, sur une patinoire gratuite toute défoncée, entre les deux fontaines, en chaussant ses patins sur les bancs publics.


Je vous parle de tout ça pour qu’il en reste une trace, parce que vous l’avez loupé. Au tournant des années 2010, les derniers bouts de « sovok » en ruines ont fini par disparaître ou être rénovés, et le tour du VDNKh a fini par venir. On ne pouvait pas laisser un endroit aussi iconique de la capitale russe à l’abandon, et puis la coupe du monde de football de 2018 approchait, ça aurait fait désordre. Le parc a fait peau neuve. Les marchands de contrefaçons ont été mis dehors, les pavillons retapés. Dans le plus grand d’entre eux, le pavillon « Russie », on a retrouvé, sous des couches d’enduit bon marché, des fresques soviétiques qui ont été préservées sous verre. 

La patinoire a été agrandie, elle est devenue, parait-il, la plus grande d’Europe (je n’ai pas vérifié), la glace y est parfaite, et on se change dans un vestiaire chauffé… dommage que l’entrée y soit devenue payante ! Sur les anciennes hampes de drapeaux, des hauts-parleurs diffusent de la musique, des vieilles chansons de l’époque de l’URSS, un peu de musique classique et des tubes de rock international. 

On y trouve de chouettes restaurants de cuisine russe et soviétique, un même un restaurant arménien dans le pavillon de l’ancienne RSS d’Arménie. Un magnifique « Musée du cosmos » a ouvert au fond du parc, sous l’immense verrière de l’ancien pavillon de l’industrie agro-alimentaire, juste derrière la réplique de fusée Soyouz et le prototype de navette spatiale russe, qui a été retapé et que l’on peut maintenant visiter. 

Il y a même, à une centaine de mètres, le Musée des Jeux d’Arcade soviétiques, qui vaut à lui tout seul le détour pour essayer les flippers, les tirs au pigeon et les batailles navales bricolées dans les années 1980 de l’autre côté du rideau de fer. Par contre, on ne peut plus trop se baigner dans les fontaines.

Au fond, c’est pour le mieux. Comme tout le reste de ce qui a changé à Moscou, le charme est le même – ou presque –, et le confort incomparablement supérieur. C’était attendrissant, c’est devenu agréable, et c’est toujours aussi beau… ça l’est même plus. Mais dépêchez-vous de venir voir : ici, on ne sait jamais quand est-ce que tout va à nouveau changer."

 

 

*Léo Vidal Giraud est installé depuis 12 ans en Russie. Blogueur sympathique et jeune journaliste passionné, il est le correspondant à Moscou pour le journal Libération, Radio France et CNews. 

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